j24. Vilei – Ventas de Narón…30,5 km, 7h20.

      <plus que 81 km , 633  effectués.>

Encore une sacrée journée, non?

Monter 659m et en descendre 485, admettez que c’est une rando costaud. Tout ça en sept heures de marche quasi ininterrompue, faut être en forme! Et c’est ça la nouvelle du jour: Ce coup-ci le matériel est rodé: pas une réclamation de la part de l’outillage, je veux dire mes pieds! Bon, ça laisse le champs libre aux hanches qui n’aiment pas le sac, mais ca ne dure pas longtemps. 

De toutes facons, j’en suis à me demander si je ne vais pas jeter un slip pour m’alléger, alors on ne changera pas grand chose. Mais ca va! …  Enfin!

   Ce matin, debout à 6h… Je veux dire assis sur le lit du haut, à ranger dans le noir pour quitter la chambre sans réveiller ces trois abrutis irrespectueux qui ont parlé fort et laissé allumé après 22h hier soir alors que 5 autres pèlerins essayaient de s’endormir. Ces trois là commencait leur chemin (100 km!), inutile de vous dire d’où ils étaient, et ils avaient fêté ça, manifestement. Ils ont ensuite ronflé à tour de bras sauf quand une envie pressante les réveillait et qu’ils allaient aux toilette sans silence  et en allumant la lumière: Donc aucun respect pour les pèlerins qui ont marché 30 km et ont besoin de récupérer. Ce qui prouve leur ignorance de la chose et j’enrage à l’idée qu’ils iront chercher la ‘Compostella’.

Mais nous sommes sur un chemin pieu et la tolérance est de rigueur, j’espère donc juste que aujourd’hui, une mauvaise tendinite les immobilisera longtemps!. J’étais en pétard! Mais selon le principe qu’on ne fait pas à autrui ce qu’on ne veut subir, je pliais silencieusement mon matériel pendant qu’ils ronflaient comme des sonneurs et quittais la chambre discrètement.

     Après mon indispensable petit-déjeuner, je chausse sac et lampe frontale pour être tôt sur la route et tenir mon programme, ambitieux au vu des 2 pages du guide. ( Marine pour suivre, sur un agenda, la progression à jours multiples, il faut avoir un calendrier sphérique, c’est tout.

        La nuit était noire et le démarrage en forêt  cachait même le superbe ciel étoilé.

  – aucune image ne part, j’enrage. Ici la wifi doit être mono canal ou bridée. A leur décharge on est en pleine campagne, à 700m et loin de tout, on ne peut leur demander d’être au top de la vie citadine. Les photos attendront.

   à 07:45 je range la lampe frontale et à 8:25, je vois mon premier pèlerin. Le quotidien du chemin reprend son cours.

Je marche vite et longtemps, dans cette campagne de Galice qui ressemble tant à la notre, et avant 9:00 je trouve la balise qui annonce les dernier 100 km pour Santiago. Rien d’extraordinaire, pas de flonflons, juste une borne bariolée. 

 Je poursuis donc, sans arrêts avant 10:00, pour un jus d’orange et un café afin de contrecarrer ma tendance à boire trop peu. J’arrivais à la fin de la première page du guide (mon premier sommet du jour était passé) et apres la descente vers Portomarin , je change de jour et j’entame le gros morceau qui remonte à 700m. ( qui reste dérisoire après ce qu’on a vu avant-hier)..

Et je me dis: -je marche depuis presque 4 heures, un pas après l’autre je traverse ce pays, ce qui était mon désir primitif, sans vraiment le visiter mais en en voyant  chaque maison , saluant ses habitants, caressant des  chiens, regardant des vallées depuis les hauteurs, scrutant ses sommets depuis les cours d’eau… Cest cela vraiment ce chemin, et pas les quelques histoires que je raconte sur les auberges, les en-cas pris en route ou les  choix de variantes.   Le chemin c’est des heures de marche en silence avec seulement le bruit des pas, parfois couvert par un tracteur, un chien ou un son de cloche. Et bien sûr, sauf dans les passages délicats  et il y en a,  des heures de pensées qui s’envolent enfin, libérées de toutes les entraves du quotidien.

  Et je repasse les moments importants, les enfants petits, moi petit, mes parents et leurs efforts, des vacances, des colères, mon frère qui me tient la main, ma soeur qui rame dans le bateau à l’église, des joies, des fous-rires… Le jour où j’ai enlevé les roulettes du vélo de Reno, William qui dort sur la plage, blond comme un ange sur sa serviette bleue,  et Julien, son insouciance heureuse, Marine quand je l’emmène à l’université… Tous ces moments qui restent on ne sait pourquoi, qui reviennent dans le désordre, qui en appellent d’autres, des questions sur les  choix, à 11 ans,  25 ou 40, sur les doutes, les décisions… mais pas sur le présent qui est la vie qu’on est en train d’écrire et qui a besoin de temps pour devenir un souvenir.

  Et le plaisir de voir que tout est là, à portée de pensée, et que si j’arrivais à les ordonner vraiment, je dessinerais un chemin qui est le mien, celui de ma vie, qui m’a aussi amené ici sur cet autre chemin qui m’aide à revoir le mien.

rare! ecoutez :Paul Shaack

         Et je descend la vallée du Rio Miño dans la brume, puis la rivière et la ville Portomarin apparaissent.

 Au bout du pont, un escalier, ils sont fous, j’ai déjà 15 km dans les pattes et je ne compte ni manger ni dormir à Portomarin! 

photo escalier.

Un  coup d’oeil au gps et je zappe l’escalier, prends vers la gauche un autre pont et la remontée reprend, longue et raide. Je dépasse beaucoup de couples âgés qui ont dû partir depuis la ville. Les vélos tout terrains aussi sont là à monter en ahannant, leurs pilotes bariolés debouts sur les pédales. C’est dimanche, tout le monde ne va pas à Santiago mais le chemin, tracé sur le Monte Torros, rassemble.

 

   Apres le premier sommet (551m), j’attends  (en marchant bien sûr!, si jattends immobile au bord du chemin, rien n’arrive, c’est pro-actif le chemin) qu’apparaisse enfin la halte pèlerin de mes rêves (délirium commun) et c’est à Gonzar que le mirage prends forme. Enfin un vrai plat chaud à la protéine espagnole: oeufs, bacon, frites, caña… je suis aux anges ( parti a 6:45 quand même!).  Et plein d eau tant que j’y suis mais je n’en ai jamais manqué. 

    Ensuite, c’est de la patience, si on est pressé, du temps si on en manque, ou du courage si on faiblit, mais il suffit de marcher encore, de monter toujours mais lentement, dans cette Galice qui ignore qu’elle a des cousins francais, pour arriver enfin  à Ventas de Narón au gîte convoite , le ‘O Cruceiro’ qui dit <désolé soy complet! mais allez à la casa Molar à 50m, ils vous logerons>. Et c’était vrai.  Et celui là n’a rien à envier aux autres et l’acceuil y est ‘espagnol’ c’est à dire excellent. On oublie parfois que cest possible, chez nous, hélas.

    j’essaie des photos?

     

    et finir avec un repas prolongé en franco-italo-americano-espagnol et rire au bon moment est un moment inestimable.

    bonne nuit

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