Reste pour Compostelle: 214 km.
Avant tout, je veux dire avant de ricaner devant le petit score, merci de consulter le dénivelé du jour: 607 en montee, 440 en descente, les connaisseurs apprécieront. On a perdu ce soir le gros de la vague sui démarrait à León, il ne reste qu’un noyau dur d’anciens qui avance quel que soit le terrain. Et les femmes ne sont pas en reste, pour éliminer un air connu.
Départ aà 7:00 pétantes, car le dejeuner que j’ai payé hier sans m’enquérir de l’heure d’ouverture du bar ne sera pas honoré faute de barman.
Cest à El Ganso que je pourrai me restaurer comme j’aime, chez un particulier qui a compris que l’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt, c’est à dire avant les pèlerins.
et le beau camping-car qu’il gare devant chez lui nous prouve qu’il a raison.
Il me propose le ‘desayuno’ de mes rêves ( je marche depuis 1 h!) et dans sa maison reconvertie en boutique, je lui prends aussi une paire de gants que j’espérais acheter à Ortega (…) et qui me manque au petit matin.
puis je repars, comme les autres mais chacun son chemin, je ne m’occupe pas d’eux, je marche. Il faisait nuit en partant et j’ai utilisé ma frontale ,(premiere fois? faites un voeu!) mais après le déjeuner, le chemin était clair et longeait la route.
Un passage difficile à 9:15, on dirait un chemin de chez nous. Pas très long mais on comprend que la montagne arrive.
10:00 à Rabanal del Camino,déjà 150m plus haut que ce matin et je sais que la prochaine etape est raide. Dans le doute j’achete une banane et une boite de 6 barres de céréales, plus pour me rassurer que par besoin, et je mange la banane pour ne pas la porter. Plus rien à jeter mais je trouve encore le sac trop lourd. Je suis trop léger malgré les tonnes de nourriture que j’absorbe. Désolé les filles, chacun sa misère.
Apres Rabanal, les choses sérieuses commencent. Il y a longtemps qu’on ne nous avait pas demandé d’escalader la montagne, cette fois ça y est et, le souffle court et le rythme lent, on apprecie quelques marches au moments difficiles. Une source après une belle ascension nous est agréable aussi, voire indispensable à moi qui oublie toujours de refaire le plein quand c’est facile.
11:20, Foncebadon(1440m). La côte de 5 km depuis Rabanal, 300 m de dénivelé, m’a bien fatigué la cheville gauche qui souffre depuis hier (pensez au sac). Il me reste 10 km au moins jusqu’au gîte, je décide donc de manger ici. Premiere auberge: fermée jusqu’à 13:30. Deuxieme: ne vend que des fruits et des boissons. Le troisième m’acceuille volontiers et accepte de cuisiner maintenant. Je commande un de ces plats combinés où tout est dans l’assiette. En 15 mn, je suis servi d’un excellent repas, inespéré dans un village reculé.
El trasgu est donc une bonne adresse pour le pèlerin épuisé par le passage laborieux de ce massif: Montes de León.
Je repars vers les hauteurs pour gravir les 50m restants et en chemin je vois que des vents favorables ont dégagé la couverture nuageuse du matin.
Le ciel est uniformement bleu à ce moment et c’est quelque chose qui m’émeut toujours.
Les croix en chemin, souvent.
Et soudain, la voilà: La Cruz de ferro, à 1405m. Celle qu’on connait sans l’avoir jamais vue tant elle est représentative du passage des pèlerins qui, depuis son origine supposée Romaine, ont créé ce monticule de pierres annotées et d’objets abandonnés en offrande au Chemin . C’etait en échange d’une protection le long du parcours. Une sorte d’assurance avant l’heure donc.
Avec l’aide d’un cycliste italien, je me fais immortaliser sur le monticule comme les milliers de pèlerins que vous trouverez sur le net.
Mais ce qu’on ne vois montre jamais, c’est que la route passe a 10m du site et que les curieux motorisés ou les touristes autocarisés viennent ici, en tongs et chapeau de paille, faire la même photo mais sans avoir, bien sûr, gravis les 7km, avec 350 m de dénivelé sur le chemin empierré brûlé par le soleil, pendant 3 heures. Vous doutez bien sûr. Alors voilà la photo qu’on vous cache et qui brise le mythe du sportif qui a sué dans les cailloux pour se faire photographier ici.
Vous voyez l’autocar derrière le buisson? Même pas sur le parking en face!
Dégoûté, je repars aussi sec. Il est 12:45, je n’ai fait que 19 km et on n’a pas fini de grimper vers le col des antennes.
Encore des croix,
puis le joli refuge de Manjanin a 1458m.
Des vaches! Premier troupeau depuis mon départ.
Et enfin le point culminant ( sur ce chemin) des ‘Montes de León’. La carte annonce 1515m au sommet, je ne monte pas vérifier, mon 1508 m’a assez coûté.
14:25. La photo là c’est pour la vue depuis le sommet, bon d’accord elle est ratée.
Et aussitôt, des fois qu’on s’ennuierais, ils mettent tous les cailloux à l’envers et on amorce une descente vertigineuse. Même pas pu faire de photo. 16% d’après le gps, on redescend en 5km les 400m de dénivelé qu’on avait montés en 10.
à 15:00 je rentre dans Acebo (1150m) me réservant pour demain le reste de la descente (8km) vers Molinaseca (590m) puis Ponferrada ensuite .
Encore heureux qu’il ait fait beau!(merci Florence Thinard). Je n’ose imaginer cette descente dans les éboulis rocheux mouillés.
Après deux Albergue pleines ( les réservations…!) , je suis acceuillis à l’Albergue paroquial ‘Apostol Santiago’
ou pour la modique somme de ‘ce qu’on veut’ ( donativo), je pourrai manger, dormir et petit-déjeuner ainsi que procéder à toute ablution nécessaire. Vraiment, la foi on n’a pas trouvé mieux pour partager le pain et le vin. 21 à table,
dont Antoine 88 ans, parti de Noirmoutier en juin pour son énième Camino.
à méditer.
Bonjour Patrice
Nous sommes accros à ton blog et attendons patiemment la publication journalière
Toutes nos pensées t’accompagnent pour cette suite du camino et même si Santiago n’est pas une finalité, je pense que c’est tout de même une sacrée satisfaction quand tu y arriveras avec bonheur certes mais avec regret de ne plus être sur le chemin qui te permet de refaire le fil de ta vie et de t’interroger sur notre monde au combien resté dans sa phase primate pour beaucoup de nos concitoyens bipèdes
Amitiés Didier
Tu as bien compris Didier, le Chemin est avant tout quelque chose que notre quotidien ne nous autorise plus: un vrai moment de recul! Une branche pour s’accrocher quand le courant emporte tout. Une respiration.