j17. Arcabueja – Leon – San Martin del Camino. 33,22 km. 08:15h.

Les chiffres du titre parlent d’eux même: On a pas molli. 

Dès le départ je sentais que mes pieds avaient passé un cap: Calme plat au douloromètre.

Et puis faut dite que ca s’y prêtait! Qu’y avait-il au programme? La traversée de Leon! 2 semaines qu’on attend ça!… Mais ceux (les ‘ceuss’ comme disait mon frère) qui lisent entre les lignes savent ce que je pense des villes, fussent-elles en Castille. Donc, en décollant raisonnablement à sept heures, et arrivant rapidement dans sa banlieue déserte , je déjeunais enfin près de la cathédrale à 9:00, 8 km dans les bottes. 5° à l’extérieur de la capuche. Il était temps!

Et franchement j’étais content. Pour moi, c’est du stand-by intellectuel tant que j’ai pas mon café au lait.

Maintenant que je sais dire Tostadas, je ne prends plus ces viennoiseries grasses. 15 mn de bonheur.

Ensuite, forcément, pour éviter les reproches compréhensibles, je pousse jusqu’à la cathédrale et puisqu’elle est fermée, je fais comme les autres: une photo pour dire <j’y etais!>

Maintenant, je trace à travers la ville endormie. Je vous rappelle que c’est dimanche et déjà le café du déjeuner était le seul, ouvert, rencontré en 8 km, alors les boutiques, faut pas rêver. Noter dans vos tablettes: ‘Pas arriver à Léon un dimanche! y’a rien a voir’. quelques monuments, peut-être:

ou des statues qui se moquent du jour qu’on est .

mais enfin, rien qui justifie de se pâmer par 5° extérieur, même 8 d’ailleurs. Il est juste 9:00.

     Je trouve enfin la sortie, par le rio Bernesga presque asséché lui aussi, et je repars pour des kilomètres de banlieue. Notez bien que ca ne me dérange pas plus que ca, l’asphalte permet une avance rapide, mais c’est moche, y’a pas d’autre mot, je préfère les champs et la nature, du moins pour marcher. 30 ans de Paris ont dû me développer une sorte d’allergie, ou de prise de conscience, votez pour me donner votre avis.

A 10:00, jy suis en encore? regardez:

Ce n’est qu’à la Virgen du Camino, a 10:45 , 7,5 km après la cathédrale, que ça s’arrête. j’y bois un café pour fêter ça, 

juste avant que la ville cède le pas et rende l’homme à la nature: Un pèlerin pour saluer ceux qui passent, et je pense qu’il n’y a qu’eux qui passe.

Ensuite le chemin redevient normal , si ce n’est qu’on quitte une grande ville où les autos ont pris le pouvoir, il va falloir s’accomoder du bruit et partager l’espace. Le chemin impose l’humilité dans ce domaine: il a été ouvert dans les passages les plus faciles pour l’homme, les suivants n’ont eu qu’à y couler le goudron le long des églises.

Et je marche, toujours sans alarme de la part de mes membres moteurs, c’est l’état de grâce, comme ils disent à l’Elysée.

Et les km s’allongent. Je vous refait pas le diaporama, il y aurait presque toujours la route et ses autos qui doivent filer vers l’église puisque c’est dimanche…

a 12:00, en entrant dans SanMiguel , j’ai fait 21 km et je vois que le prochain tronçon sans ravitaillement est de 12 km, donc mon besoin de manger avant l’etape croit subitement. Je refuse de m’arrêter dans une albergue toute neuve et pleine de marcheurs en me disant qu’il y aura autre chose peut-être plus ancien, plus loin . J’oubliais le dimanche… Un restaurant que j’espérais ( merci Google) est clos, et plus loin une halte pèlerin:’Cerrada’ . Inutile de parler l’Espagnol. Seule une machine automatique propose des sachets que ma morale réprouve, je poursuis donc ma route en me disant que j’ai des barres céréales et que 3 h (12km) ne me feront pas mourir… On se console.

Mais soudain, juste a la sortie du village: miracle! Une guinguette tenue par une ‘tante Yvonne’, ou équivalente, offre des menus aux pèlerins dénutris.

El Yantar del Peregrino, tenu par une petite dame agréable, me fait une assiette avec ‘viande (lomo), oeufs, frites, tomates et salade’ délicieuse. Je l’arrose d’un verre de son rosé dont elle me montre la bouteille ( pas cubi!) et je fini avev un excellent ‘café solo’  comme on dit par ici.

Le tout pour 10 €! ( arrêtez de pleurer ça tombe sur l’écran) et je me sens heureux d’avoir refusé les médiocres choix de tout à l’heure. Mme ‘Yantar’ m’a redonné, avec brio, le courage nécessaire pour affronter le dernier bout de N120 à cotoyer jusqu’à San Martin ou je veux dormir.

     A 15h, la premiere auberge à l’entrée du village est pleine. Je réalise que tous ces gens que jai dépassés aujourdhui ( majorité d’espagnols) etaient des nouveaux arrivés sur le chemin et partis ce dimanche de Leon. J’ai vu, à la gargotte, une jeune américaine dont la crédentiale était vierge quand elle l’a faite tamponner à El Yantar. Et comme la distance de Leon n’est que de 22 km, cest à cette premiere Albergue que se sont engouffrés les premiers partis ce matin.

Qu’importe, je continue vers le centre et la suivante ‘Santa Anna’ m’offre le gîte et le couvert pour 15€ ( tenez, prenez mon mouchoir!).

 comme toujours et je n’explique rien, je suis dans les premiers (3eme): le gite précédent n’était pas plein, il était plein de réservations!… Ce nest pas le cas pour Santa Anna qui ne prend pas de réservations. Priorite aux pèlerins à pieds, point.

J’y fais rapidement, avant l’affluence, ma lessive du jour: chaussettes, slip et Tshirt, puis une douche. Mes pieds , dans les sandales, ont subitement du mal à me supporter mais je me dis que c’est de la provocation et je leur offre un massage à la Voltarene puisque je ne vois pas d’église proche pour un traitement  plus spirituel.

   Le temps d’écrire un peu dans ce blog, et c’est l’heure attendue du repas collectif. 19:00.

Le vrai moment d’échange de la journée, il est là. Fini les ‘Buen Camino’ du chemin, on se parle, comme on peut, dans les langues qu’on comprend. Ce soir à ma table, 4 italiens, que je retrouve d’hier, 2 espagnols dont 1 de Catalogne, et 2 francais, Jean-Francois(66ans) et moi.  Il est de Landernau, près de Brest et fait tout ou partie du chemin tous les ans!  Pour le plaisir! 

Et les hébergeurs, souvent d’anciens pèlerins, ne se moquent pas de nous: Salade de légumes,  paëla, dessert au choix, vin à volonté et petit digestif local pout bien dormir, je suppose. Mais surtout, l’important n’est pas le menu, mais l’ambiance de convivialité, d’echange, de communion qui règne entre ces gens qui ont fait, ensemble,sur le même chemin, 15, 20 ou 30 km. mais personne n’en dit rien, ne compare rien, on est juste ‘ensemble’, ce soir, dans un plaisir tangible et partagé. Rires, photos, anecdotes. C’est la messe du chemin.

Lui, on le refera, demain. Mêmes obstacles, mêmes endroits, même rencontres, on en parlera peu, mais d’où viens tu?, qui es-tu, qu’est-ce qui te plait? cela sera important.

C’est une famille, recomposée chaque jour, dont les membres vont, viennent et disparaissent. Une famille où chacun a toujours quelque chose à dire, a partager pendant 2 heures.

Ensuite tout reprend sa place, chacun son lit, ses soins de pieds (quoi d’autre?) sa préparation du sac ou son blog. Les lumières s’éteindront à 22:00 et les 20 lits du dortoir s’apaiseront jusqu’à demain où, de 5 à 7h, chacun repartira pour son histoire d’un jour, à son rythme, à son désir.

  Il fallait que je vous en parle, au cas ou l’envie vous viendrait.   On peut être un solitaire, comme moi, tout le jour, et s’ouvrir à la communauté  rassemblée tout les jours par cet unique lien: On fait tous la même chose, ensemble, tous les jours… perpétuer le chemin vers Santiago , ajouter nos pas aux millions d’autres avant nous.

Ce n’est pas que de la marche, cest faire ‘son’ chemin, en allant sur celui de Compostelle. Ce qu’on y gagne n’est pas au bout, c’est en chemin.

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