Lundi. (Je l’écris , sinon je sais plus…)
Au fou! C’est le problème des gîtes communaux, comme on fait tout soi-même, repas, vaisselle, ménage, dès qu’il y en a un qui bouge, tout le monde s’agite, histoire qu’il bosse pas tout seul. Tant pis s’il(elle) se levait juste pour faire pipi, ça devient l’heure officielle du pipi. Et chacun y va de bon coeur. Bref on se lève tôt, c’est lié à la prostate, sans doute, faudra que GiedRé me fasse une chanson la-dessus.
Donc, 6h30 l’heure où moi d’habitude j’ouvre un oeil, on est tous dans la cuisine.
Déjà hier soir, ils se sont mis à quatre pour cuire une gamelle d’eau pour les pâtes. Résultat, même en se resservant deux fois (à 12 !), on en a laissé un quart pour les suivants qui le jetteront , bien sûr.
Bref, on déjeune, on papote (en chinois, brésilien, canadien, africain, anglais et un peu français ), on lave, on range, et je commence à marcher. (Aïe, ça tire à droite). En démarrant le GPS, je regarde bêtement l’heure et je vois 7h15! Comme je présume qu’il me fait un morning joke, je confirme sur le téléphone que ce sont eux qui ont raison. Du coup l’urgence diminue et je hume avec bonheur l’air du matin, au soleil calin et à l’humeur douce. Une belle fleur blanche m’appelle depuis un fourré ,
je lui propose un voyage vers le sud, au sommet de mon sac, ce qu’elle accepte avec la joie qu’on imagine .
Je chemine ainsi rapidement vers Arzacq-Arraziguet (si!) bourgade suffisante pour disposer de 2 distributeurs de billets, et où j’espérais bien
trouver quelque nourriture pour midi. J’avais juste oublié qu’on était lundi, lundi à la campagne …Après un tour de ville, je dû me résigner, sur avis du tenancier de bistrot, à revenir au Carrefour Market local devant lequel j’étais passé, méprisant, 10 mn plus tôt. Épais comme je suis, j’ai pas le choix, faut que je consomme pour pas disparaître, donc: salade de pâtes et poulet , saucisse sèche et banane me sont concédées en échange de mes dernières pièces de monnaie.
Donc, finie ma belle avance, j’ai vu passer au loin tout ceux qui avaient dormi au gite, et d’autres encore.
Mais je m’en fout un peu, j’ai pas de rdv et j’ai de quoi tenir.
Je reprends donc mon Camino, sous l’oeil intéressé de quelques bovins,
entre cultures céréalières et fermes modestes.
Avant Louvigny, je passe sur la rivière « le Luy de France », et en jetant un oeil sur la carte, j’évite le crochet et sa montée inutile
par Lou Castet, 10 mn de récupérées et je garde ma forme pour des moments meilleurs. Après tout, le Camino est mon chemin à pieds vers Compostelle. -Qu’importe que celui -ci colle aveuglément au GR65, qui nous promène souvent ailleurs que vers le sud-ouest, au gré des choix touristiques locaux.
Et soudain,après une longue côte asphaltée, je découvre au loin un spectacle que je n’avais pas vu encore et qui me cloue sur place: Dans la brume, la chaîne des Pyrénées, avec des sommets couverts de neige!
C’était donc vrai, il y a bien une frontière gigantesque entre nous et les autres! Les écrits ne m’avaient pas trompé et la direction était la bonne. Je ne donne pas quatre jours de marche avant que d’être aux pieds de ce colosse qui barre l’horizon.
Dans la joie, et étant arrivé sur un sommet qui autorise la connexion, j’envoie au peuple laissé derrière moi la bonne nouvelle grâce à Google +, le réseau qui remplace les
signaux de fumée.
Ensuite, encouragé par la descente, je poursuis jusqu’a Larreule
Village insignifiant s’il n’avait cette jolie petite église et sa halte pèlerins, à laquelle nul ne s’arrête à cause des 100m supplémentaires à parcourir…
J,y vais donc, consommer les provisions qui m’ont tant coûté ce matin, et profiter de ce moment de calme infini à l’écart du monde physique.
L’église , ouverte, acceuillante, lumineuse malgré le peu de vitraux, et sereine aussi, comme il faut l’être.
Quand je repars, Evelyne arrive (les 900 km… voir hier), je lui confie l’endroit et continue jusqu’à Uzan, lieu de mon hebergement, dans la famille Perarnaud.
Avant, j’ai le bonheur de boire un café, gracieusement offert par un riverain qui a certainement fait Le chemin..
Au gite, le groupe de pèlerins de ce soir, des parisiens qui marchent depuis le Puy, est agreable. Les hébergeurs , des paysans simples et chaleureux nous accueillent cordialement et le repas, dans leur propre cuisine, est un échange enrichissant.
Le miracle de l’instant present.
21:30, chacun a regagné sa chambre pour que demain soit un autre jour.
C’est cela aussi, le Chemin où je suis bien.